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Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) revèle que l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement planétaire à 1.5°C (2,7° F) demeure sous “assistance respiratoire,” et que 3.6 milliards de personnes à travers le monde sont affectées et vulnérables aux impacts des changements climatiques — et que la situation devrait empirer.

Ces conclusions du GIEC interviennent dans un contexte où la hausse des cours de pétrole, les taux d’inflation elévés, la sortie lente du monde de la pandémie de COVID-19 et les changements dans la structure de la politique internationale constituent malheureusement une excuse pour freiner et retarder l’action climatique.

Toutefois, le rapport souligne la réalité suivante : C’est maintenant ou jamais qu’il faut maintenir le réchauffement planétaire à 1,5° C. À ce titre, la COP27 doit accorder la priorité aux besoins des populations les plus durement touchées par les impacts du changement climatique, et réaliser des avancées notables dans les quatre domaines clés suivants.

Adaptation

Il est de la responsabilité des gouvernements du monde de répondre au ‘Code rouge’ pour l’humanité lancé par les scientifiques et de concrétiser les promesses de la COP26 de Glasgow de l’année dernière. Les pays riches doivent de toute urgence doubler le financement de l’adaptation aux changements climatiques et veiller à ce que l’adaptation bénéficie d’au moins 50% des fonds publiques alloués à la finance climat. Le but premier du renforcement de l’adaptation est d’accroître la résilience des personnes et des groupes touchés par les changements climatiques, et de protéger la biodiversité et les écosystèmes, en fonction des contextes nationaux et locaux.

Atténuation

La fenêtre d’opportunité qui permet de mettre en oeuvre des mesures d’atténuation, à l’échelle et la vitesse requises, se referme rapidement. Il est urgent de mener des actions concertées et à grande échelle en matière d’atténuation afin de répondre à la grave menace que le changement climatique fait peser sur les droits de l’homme des personnes et des communautés touchées et des générations futures.

Les gouvernements sont tenus de définir leurs stratégies de réduction des émissions de CO2 d’au moins 50% par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2030, afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et de réduire la probabilité d’effets irréversibles du changement climatique. Le rapport du GIEC indique que les investissements consacrés chaque année à l’atténuation doivent être multipliés par six jusqu’en 2030 pour atteindre le seuil de 1,5°C. Il montre également que les énergies renouvelables propres comme l’énergie solaire et éolienne, l’efficacité énergétique dans tous les secteurs économiques et la protection des écosystèmes présentent le meilleur rapport coût-efficacité et le meilleur potentiel technique pour réduire de manière considérable les émissions de GES d’ici à 2030.

Les grands pays émetteurs historiques qui ont aujourd’hui les plus grandes capacités financières doivent apporter leurs ‘justes contributions’ pour combler rapidement et de toute urgence les écart en matière d’émissions. L’expression “juste contribution” signifie dans ce contexte qu’il faut renforcer les contributions déterminées au niveau national (CDN) conformément à l’objectif de 1,5°C, respecter les principes de justice, d’équité et d’impartialité et financer celles des pays en développement les plus pauvres.

Plusieurs pays du G20 n’ont pas amélioré leur CND en 2021, notamment l’Australie, le Brésil (dont la CDN améliorée est moins ambitieuse que celle initialement soumise en 2015), le Mexique et l’Indonésie, qui assure actuellement la présidence du G20. Si les pays devaient réellement apporter leur juste contribution, en tenant compte des émissions historiques, les efforts des pays riches devraient être encore plus importants. Par exemple, pour les États-Unis, cela signifierait un effort mondial d’atténuation en 2030 équivalent à une réduction de 195 % par rapport aux niveaux de 2005.

Dans le même temps, il ne suffit pas seulement d’être plus ambitieux. La mise en œuvre de réductions réelles des émissions est cruciale. De nombreux pays qui ont signé des initiatives et des engagements de décarbonisation sectorielle lors de la COP26 devraient maintenant démontrer comment ils les mettent en œuvre chez eux et dans leurs CDN.

À l’heure où les crises géopolitiques provoquent des chocs sur les prix de l’énergie et suscitent des inquiétudes quant à la sécurité énergétique, il est plus clair que jamais que l’abandon progressif des combustibles fossiles volatils et peu sûrs ainsi que l’accélération de l’adoption des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique sont essentiels à la construction d’un monde plus sûr pour tous.

Pertes et dommages (L&D)

Le 6e rapport d’évaluation du Groupe de travail II du GIEC alerte de manière claire qu’avec la hausse des températures, des pertes et dommages (L&D) seront plus importants, et la capacité d’adaptation d’autres sociétés humaines et naturels atteindra ses limites. Comme les scientifiques l’ont indiqué, nous devons intensifier l’adaptation et fournir le financement requis pour les pertes et dommages induits par le changement climatique.

Alors que les pertes et dommages ont bénéficié d’une attention politique sans précédent lors de la COP26, les communautés les plus durement touchées par la crise climatique ont été ignorées par les pays riches. Les pays en développement, qui représentent 85% de la population mondiale, ont demandé la création d’un mécanisme de financement des pertes et dommages, mais au lieu de cela il leur a été proposé le dialogue de Glasgow.

Des dialogues similaires n’ont pas donné de résultats significatifs dans le passé. Le diaologue de Glasgow pourrait devenir un précédent de légitimité du processus de la CCNUCC, mais pour cela, il doit déboucher sur des résultats concrets qui apportent un soutien adéquat, nouveau et supplémentaire aux personnes et aux pays les plus vulnérables en matière de pertes et&dommages.

Pour que la légitimité soit acquise, des résultats et des livrables concrets doivent être réalisés à la fin de chaque année jusqu’en 2024, et ceux-ci devraient être définis lors du premier dialogue.

Une étape cruciale sera franchie lors de la COP27 à Sharm el Sheik, où les pays devront officiellement créer un mécanisme de financement pour les pertes et&dommages. Pour augmenter la probabilité de ce résultat, la réunion qui se tient cette semaine doit jeter les bases et parvenir à une compréhension commune en vue d’un accord sur la création d’un mécanisme de financement des pertes et&dommages à la COP27.

En suite, en 2023, le dialogue de Glasgow devrait porter sur l’opérationnalisation du mécanisme de financement, et déterminer comment le financement des pertes et&dommanges peut être rendu accessible aux pays les plus vulnérables et aux personnes les plus touchés en 2024.

Finance

Il s’agit d’un énorme point de friction, car les pays développés ont échoué à plusieurs reprises à tenir leur promesse de mobiliser des financements nouveaux et supplémentaires en faveur du climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Au cours de l’année 2022, les gouvernements doivent montré que :

  • La mise en oeuvre du plan de mobilisation des 100 milliards de dollars est cours: Les pays développés doivent apporter des financements nouveaux et supplémentaires en faveur de la lutte contre le changement climatique, afin d’atteindre l’objectif des 100 milliards de dollars cette année, et de le dépasser en 2022-2025 pour combler les écarts antérieurs. Les pays qui n’ont pas augmenté leurs engagements financiers l’année dernière (par exemple, la France, l’Australie et le Japon) doivent annoncer de nouveaux engagements financiers en 2022. D’autres pays développés, comme l’Allemagne et les États-Unis, dont les contributions futures prévues sont très en deçà de leurs promesses de l’année dernière, doivent montrer de toute urgence qu’ils ne reviennent pas sur leurs engagements. Par ailleurs, les pays développés doivent veiller à ce que l’adaptation bénéficie d’au moins 50% des fonds publiques alloués à la finance climat.
  • Présenter des efforts engagés pour doubler le financement de l’adaptation afin d’atteindre une part de 50 % consacrée à l’adaptation dans le financement global de la lutte contre le changement climatique. Bien avant la COP27, les ministres des pays développés devraient s’engager à mettre en place un plan clair et précis prévoyant au minimum de doubler le financement de l’adaptation d’ici à 2025. Les communautés vulnérables ont, de toute urgence, besoin de moyens pour mettre en œuvre des mesures d’adaptation communautaires et locales, mais cela ne peut se faire sans accès à des financements supplémentaires fiables.
  • Améliorer l’accès aux financements climatiques sous forme de subventions :Les actions pour le climat au niveau communautaire exigent un accès des communautés locales au financement climatique également. À ce titre, les pays doivent s’engager à améliorer l’accès équitable au financement climatique, notamment par le biais de partenariats avec les communautés locales, au moyen des instruments financiers tels que les subventions, et non des prêts.

Alors que la crise climatique s’intensifie, les dirigeants mondiaux doivent tenir les promesses qui ont été faites et les traduire en actions concrètes, et accepter de prendre de nouveaux engagements. L’heure est à la solidarité, au soutien et aux actions concrètes sur le terrain qui rendront justice aux pays et aux communautés.